L’anti-tradition selon René Guénon
- JO

- 5 août
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L’anti-tradition selon René Guénon : comprendre la critique radicale du monde moderne
René Guénon (1886-1951) est l’un des grands penseurs traditionnalistes du XXe siècle. Philosophe, métaphysicien et auteur prolifique, il a profondément marqué la critique du monde moderne en dénonçant ce qu’il considère comme une rupture totale avec la Tradition primordiale. Parmi ses concepts les plus marquants figure celui d’anti-tradition, qui décrit, selon lui, le stade ultime de la dégénérescence spirituelle de l’humanité. Mais que recouvre ce terme et pourquoi reste-t-il pertinent aujourd’hui ?
La vision guénonienne : Tradition et monde moderne
Au cœur de la pensée de Guénon se trouve l’idée de Tradition primordiale : une vérité métaphysique unique, éternelle, qui se manifeste sous des formes diverses dans toutes les grandes religions authentiques (hindouisme, christianisme, islam, taoïsme…).
Pour rappel, cette notion nous explique que notre vie, le monde, l’univers autour de nous, chaque être vivant, est important, que nous sommes tous là pour une bonne raison, au bon moment, qu’il y a un sens derrière tout cela.
Toutes les traditions et croyances qui ont existé et qui existent aujourd’hui en parlent donc à leur manière.
Selon lui, l’histoire humaine suit une dynamique cyclique inspirée des doctrines hindoues. Notre époque correspondrait au Kali-Yuga, ou « âge sombre », caractérisé par la matérialisation, l’individualisme et la perte du sens sacré. Cette dégradation progressive aboutit, à terme, à un renversement total des valeurs spirituelles.
Cependant si, au début, un monde parfait, ordonné, équilibré a été créé, est survenu ensuite un déséquilibre, un éloignement dans le but de nous obliger à retrouver cette perfection, cet ordre.
En effet, plutôt que d’aider et de faire comprendre aux gens que chacun doit travailler sur lui-même, que nous devons rester unis malgré nos différences, voir le monde qui nous entoure et la vie d’une façon qui nous permet de retrouver cet ordre, cette perfection que nous avons perdue, il existe des groupes de gens qui cherchent à nous éloigner, à nous diviser et à nous faire oublier ces informations essentielles pour ne pas que nous retrouvions cette perfection, ces croyances auxquelles nos ancêtres, les anciennes civilisations croyaient.
Qu’est-ce que l’anti-tradition ?
L’anti-tradition désigne, chez Guénon, l’aboutissement ultime de ce processus de dégénérescence. Elle ne se contente pas d’ignorer la Tradition : elle s’y oppose activement, en renversant et en pervertissant ses principes.
De la contre-tradition à l’anti-tradition
Avant d’en arriver à l’anti-tradition, Guénon identifie un stade intermédiaire : la contre-tradition. Celle-ci prend la forme de falsifications spirituelles : pseudo-religions, occultisme dévoyé, messianismes politiques ou doctrines ésotériques tronquées qui imitent la Tradition tout en la détournant.
L’anti-tradition, en revanche, marque une hostilité ouverte à toute référence au sacré. C’est un stade d’inversion totale des valeurs, où le spirituel est remplacé par le matériel et où les symboles sacrés sont détournés de leur sens originel.
Les caractéristiques de l’anti-tradition
Guénon résume ce stade extrême par plusieurs traits majeurs :
Négation du sacré et du divin : toute transcendance est rejetée.
Exaltation de l’homme et de la matière : culte de la technique, du progrès matériel et de l’individualisme.
Renversement des symboles : inversion des valeurs traditionnelles, usage profane ou subversif des signes sacrés.
Substitution du faux spirituel à l’authentique : prolifération de pseudo-ésotérismes ou de mouvements séduisants mais trompeurs.
L’anti-tradition dans la crise moderne
Dans son œuvre, notamment La Crise du monde moderne (1927) et Le Règne de la quantité et les signes des temps (1945), Guénon décrit comment la civilisation occidentale glisse progressivement vers cette anti-tradition : domination de la science matérialiste, perte des repères religieux, culte de la quantité et de l’efficacité au détriment de la qualité et du sens.
Il évoque également l’existence de forces contre-initiatiques, des influences spirituelles inférieures qui orchestreraient ce mouvement de subversion. L’anti-tradition serait ainsi le prélude à une fin de cycle, avant un renouveau possible de la Tradition.
Actualité de la critique guénonienne
Bien que Guénon écrive au début du XXe siècle, son analyse résonne encore aujourd’hui. Les phénomènes qu’il dénonce trouvent des échos dans :
Le nihilisme et le relativisme postmoderne ;
La société de consommation et le culte de la performance technique ;
Les pseudo-spiritualités contemporaines (New Age, mouvements sectaires) ;
Les débats sur le transhumanisme ou la fusion homme-machine.
Ces évolutions peuvent être interprétées, à la lumière de Guénon, comme des signes de l’aboutissement du processus d’anti-tradition.
Un concept pour penser le présent
Parler d’anti-tradition, ce n’est pas seulement dresser un constat pessimiste. C’est aussi une invitation à rechercher le sens authentique de la Tradition et à distinguer le vrai spirituel du faux. Qu’on adhère ou non à sa vision, René Guénon propose une grille de lecture puissante pour comprendre la modernité et ses dérives, en interrogeant notre rapport au sacré et à la transcendance.

Sources :
René Guénon, La Crise du monde moderne (1927)
René Guénon, Le Règne de la quantité et les signes des temps (1945)
Études comparées sur la Tradition primordiale et les doctrines cycliques (hindouisme, platonisme).
BTLV, “L'antitradition” de Paul-Georges Sansonetti








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