Les apparences du Graal : traditions et culture populaire
- Jo
- 10 avr. 2022
- 3 min de lecture
On parle généralement du graal comme d’une coupe. Mais qu’en est-il en réalité ? A quoi est-il sensé ressembler et qu’est-il sensé représenter ?
Paul-Georges Sansonetti, spécialiste de la littérature comparée aux mythologies, au cinéma et aux Art graphiques, nous livre son regard sur la chose.
Origine du graal : étymologie et littérature
Le mot “graal” (dont nous avons déjà parlé dans un précédent article) est entré dans le langage courant, en perdant, en même temps que sa majuscule, son caractère sacré, mais en conservant son côté mythique et quasi-inaccessible (graal des journalistes, graal de la science, etc.)
Mais quelle est l’origine de ce terme ?
Paul-Georges Sansonetti rappelle que, d’un point de vue étymologique, "graal" dérive du provençal et désigne un grand plat creux dans lequel on mettait de la nourriture. Mais, vers 1189-1190 (période de construction des premières cathédrales gothiques) un poète et écrivain du nom de Chrétien de Troyes écrivit "Perceval ou le conte du Graal" : et ce fut le point de départ d’un nouvel usage, l’objet du quotidien devenant unique par sa nouvelle association à la lumière et au surnaturel.
Chrétien de Troyes aura des continuateurs (Wolfram von Eschenbach, Robert de Boron, Alain DeLille…) et la littérature du Graal va s'étendre sur une quarantaine d'années, de 1189-1190 à 1230 environ.

Les apparences du Graal
Dans ces textes, on dit généralement que le Graal apparaît aux chevaliers en 5 semblances (un terme qui se rapproche du sens d’apparence mais aussi d’apparition, avec une connotation surnaturelle) :
chez Chrétien de Troyes, le Graal est un grand plat creux, un calice (église) ;
chez Wolfram von Eschenbach, c’est une pierre surnaturelle chargée de la puissance du paradis (origine iranienne de ce mot qui signifie la terre idéale/pure des origines) ;
chez Robert de Boron, le Graal est taillé dans une émeraude qui serait tombée du diadème de Lucifer.

Un contemporain de Chrétien de Troyes, Alain DeLille, fait le lien entre certaines pierres précieuses et certaines planètes, laissant à penser que l'Univers est un Graal, puisque celui-ci est décoré de plusieurs pierres précieuses.
Autres visions traditionnelles du Graal

Il est d’ailleurs intéressant de noter que des chercheurs américains sont récemment arrivés à des conclusions similaires en faisant le lien entre le Graal et un texte alchimique de l'Antiquité, décrivant le Ciel comme le réceptacle d'une énergie et le comparant à une coupe renversée.
Le Graal est donc aussi évoqué dans le domaine alchimique, où il est représenté par la pierre philosophale. Il est alors l’objet d’une quête qui conduit à réaliser plusieurs oeuvres difficiles qui sont définies par des couleurs (noir, blanc et rouge) pour façonner et trouver la lumière physique et spirituelle, autrement dit l'Âge d'or.

Mais le Graal n'est pas qu'un objet et peut être associé à des lieux qui nous modifient, qui ont un lien avec le spirituel. C’est en ce sens que, dans le monde de la chevalerie, il représente le cœur lumineux que nous avons tous en nous et nous transporte dans une quête qui nous transcende pour l’atteindre et faire en sorte que l’humanité retrouve son Âge d'or (Hyperborée).
Enfin, par exemple, dans la Tradition Primordiale de René Guénon (dont nous avons déjà parlé), le Graal est la connaissance du monde que l'on doit chercher, trouver et comprendre à travers différents cycles et afin, encore une fois, de retourner à l'Âge d'or pour notre civilisation et pour nous-mêmes.
Le Graal dans la culture populaire
Pour finir de manière plus légère, rappelons que dans “Tintin et le sceptre d’Ottokar”, c’est justement ce sceptre qui fait figure de Graal. Hergé étant, comme nous l’avons vu, un initié, rien de moins étonnant !
Quant à sa présence dans “Star Wars” de George Lucas, c’est bien du côté lumineux de la Force qu’il faut le chercher…
Enfin, le Graal étant une quête, il est figuré comme une quête de restitution dans les aventures de Frodon, écrites par J.R.R. Tolkien dans son “Seigneur des anneaux”, avec l'anneau unique qui est de trop dans la Terre du Milieu et que Frodon doit détruire.

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